Le 30 mars, nous évoquerons ce pigment qui porte un nom à l’étrange sonorité : caput mortuum ! Le brun momie ou caput mortuum, parfois aussi appelé « brun égyptien » ou « brun ou jaune de momie » (1), est un pigment brun-rouge à tendance violacée, obtenu du XVIe siècle au XIXe siècle par broyage des corps carbonifères de momies. Alors que des momies réduites en poudre servaient déjà en médecine, on commença à transformer cette poudre en pigment au XVIe siècle pour obtenir un brun profond et rougeâtre, dont les nuances provenaient à la fois de la momie en décomposition et des résines et bitumes utilisés sur celle-ci.
Suite à la publicité faite au XIXe siècle sur la composition du mélange, les fabricants de couleur cessèrent d’utiliser des momies au début du XXe siècle.
Dans les classifications, le caput mortuum est situé dans les ocres ou les rouges artificiels, ou bien dans les oxydes de fer rouges. Entre ombre naturelle et ombre brûlée un peu rosée, il est parfois confondu avec la couleur dite sang de bœuf.
Le nom capuut mortuum, « tête de mort », nous rappelle les anciens termes alchimiques. C’est un résidu qui compose ce produit très prisé par les enlumineurs du Moyen Âge. J’ai retrouvé quelques recettes ancestrales et ai compris, cette fois encore, qu’il vaut mieux éviter de le préparer dans la cuisine familiale ! Il y est question de vitriol, d’acide sulfurique, bref, pas tout à fait des ingrédients ou des recettes à proposer aux enfants ! Toutefois, les photos qui retracent les étapes de l’opération passent d’une couleur de terre éteinte à un splendide rouge, obtenu après cinq heures de cuisson !
Actuellement, la teinte est produite à partir d’oxyde de fer semi-transparent qui, à l’état naturel, peut venir d’Angola, de carbonate de calcium et de kaolin. Le nom de caput mortuum semble revenir en usage et remplacer celui de brun momie sur les nuanciers des fabricants.
Nous l’utilisons dans les icônes, le plus souvent mélangé à du bleu ou à du rouge pour obtenir une base assez sombre, un peu terne. C’est une couleur de terre qu’il convient de réveiller avec une tonalité plus vive. En mélange avec le rouge, l’effet, pour les éclaircissements et les veloutés de vêtements, est superbe !
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuances et diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts ici
(1) VARICHON Anne, Couleurs pigments et teintures dans les mains du monde, Seuil, 2000.
Article du 30 mars 2015