Puisque c’est la semaine de la Transfiguration, c’est bien le moment de parler de la mandorle, en deux épisodes bien différents !
Le mot mandorle vient de l’italien et signifie amande. Il désigne une figure géométrique réservée au divin, où s’inscrivent le plus souvent Dieu le Père, le Christ, la Trinité, la Vierge à l’Enfant, son couronnement par le Christ ou la Trinité, et parfois, mais c’est rare, certains saints. La mandorle peut aussi envelopper la main de Dieu lorsqu’il s’adresse aux hommes, et la composition représente, en quelque sorte, la parole divine.
Le motif proviendrait d’un élément d’architecture romaine, support à l’inscription de personnages dans un cercle, façon de rendre « présents » les absents. Cette représentation apparaît précocement sur les sarcophages chrétiens.
On la rencontre dès le Haut Moyen Âge, que ce soit sur des sarcophages, dans des sculptures, des bas-reliefs ou des fresques. J’aime particulièrement celles de Berzé-la-ville en Bourgogne, qui datent du XIIe siècle.
La mandorle est largement utilisée dans les chapiteaux de l’abbaye de Cluny mais y perd un peu sa symbolique pour devenir un décor géométrique dans lequel s’insère un bas-relief : on parle alors de corbeille.
On rencontre le même motif dans les icônes, les fresques et les peintures murales, en particulier dans l’icône de la Transfiguration (article plus détaillé ici) ainsi que dans les représentations du Christ en Gloire (article plus détaillé ici).
La mandorle peut avoir sa forme d’amande caractéristique, mais se transforme parfois en cercles concentriques (ou morceaux de cercles) dans des dégradés de bleus sombres (ou verts). La plupart du temps (lors de la Transfiguration, par exemple), les cercles deviennent de plus en plus lumineux en s’éloignant du centre évoquant « la lumière qui brille dans les ténèbres« .
L’architecture gothique utilise largement la forme et la symbolique de la mandorle qui devient alors support de lumière.
La mandorle, ne l’oublions pas, est avant tout une figure géométrique, dessinée à l’aide de deux cercles. Le cercle représente le divin, l’infini qui n’a ni début ni fin. Le Christ est placé à l’intersection des deux cercles. La mandorle désigne donc, en quelque sorte, le lieu très particulier de la révélation. Elle indique celui qui est sur le chemin entre les deux cercles, les deux hémisphères, entre le monde terrestre et le monde céleste. Elle est le lieu intermédiaire, la porte entre ces deux mondes. Ainsi, la mandorle placée sur le tympan de l’église, insiste sur le sens du passage de l’extérieur à l’intérieur de l’église, préfigurant ainsi celui du monde terrestre au monde céleste.
L’autre symbolique de la mandorle rejoint son nom. Dans l’amande, la partie nourrissante et douce est protégée par une coque épaisse. Symboliquement, on peut y comprendre que pour accéder au monde spirituel, il faut briser des coquilles successives parfois bien dures et résistantes…
La suite bientôt : ce sera « les mandorles de Christian ».
Article du 9 août 2017 mis à jour le 16 octobre 2020 après un échange dans le cadre de l’Academy for Christian art avec François Bœpsflug et Emanuela Fodigliani :
Question : « La mandorle a parfois une forme d’amande mais elle est parfois ronde. Cela a-t-il un sens précis ou bien n’est-ce qu’un choix esthétique ? »
Réponse : « Le mot italien mandorla signifie amande, mais aussi ce que nous appelons mandorle, tandis qu’en français, il ne viendrait à l’idée de personne de déclarer que le Christ de la Transfiguration a été placée par le peintre dans une amande, ni dans une gloire en forme d’œuf, ni dans un cercle, ou une ellipse, autres formes que le dessin conventionnel de la gloire lumineuse qui englobe le Christ a pu prendre au cours des âges. Autant que je sache, la distinction fondamentale, comme je l’ai dit hier soir, en histoire de l’art, est entre mandorle, qui englobe complètement la figure qui se trouve par là désignée comme enveloppée de lumière divine, et le nimbe qui n’entoure que sa tête. Et l’usage s’est répandu, en français, de donner la préférence quasi exclusive au terme mandorle, même si l’on peut hésiter quand il s’agit par exemple de la Transfiguration en mosaïque à Ravenne, où certains historiens préfèrent parler de « gloire » pour désigner le cercle parfait qui englobe la croix. J’ai été vérifier tout cela dans des bouquins savants et recommande l’article de W.K Messerer, « Mandorla », dans le Lexikon der christlichen Ikonographie de Kirschbaum et Braunfels, t. 1, col. 147-149. »
août 9, 2017 à 10:49
Merci pour toutes ces explications. Il y a bien sûr des choses connues, d’autres que je redécouvre et enfin d’autres que je ne savais pas. Bisous Solange
Envoyé de mon iPhone
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