Découvrons l’ouvrage principal sur lequel je me suis appuyée lors de notre périple de deux années (1). Il s’agit d’un manuel retrouvé et mis en forme au XIXe siècle, sorte de compilation de notes d’artistes, copiées à la main et transmises à travers le temps depuis le XIIe siècle. Il s’intitule Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine ou Le Guide le la peinture.
Je vais essayer de résumer l’histoire de ce document, ce qui n’est pas facile car de nombreuses imprécisions l’entourent.
En 1839, Adolphe-Napoléon Didron, un archéologue spécialiste du Moyen Âge français, entreprend un voyage en Grèce et au mont Athos. Il est frappé par la beauté et la cohérence des motifs des fresques et des peintures qu’il découvre, leur style et leur ordonnancement ; il cherche à comprendre s’il existe des recommandations spéciales données aux peintres. Après tout un périple, il finit par découvrir l’existence d’un « manuel du peintre », une sorte de vademecum du fresquiste et de l’iconographe, inlassablement recopié depuis des siècles. Il interroge et transcrit ses observations dans ses carnets et comprend que le travail des artistes byzantins s’appuie sur des notes, transmises de génération en génération, probablement depuis le XIIe siècle. L’essentiel du texte est attribué à un certain Denys de Fourna qui vécut dans un monastère au début du XVIIIe siècle. Un peintre du XIIe siècle, presque inconnu aujourd’hui, Manuel Panselinos de Thessalonique, serait peut-être à l’origine du manuscrit. L’ouvrage s’est ensuite étoffé, au fil du temps, par les notes d’autres artistes qui l’ont eu entre les mains et l’ont utilisé pour guider leur travail.
Après bien des obstacles, des rencontres et des recherches, Adolphe-Napoléon Didron parvient à se procurer une copie du précieux document, à le faire traduire puis à le publier en 1845 (2), encouragé dans son entreprise par le gouvernement de l’époque, mais aussi par Victor Hugo et par le roi Louis Ier de Bavière. Il enrichit le texte d’origine de nombreuses notes et fait le parallèle, chaque fois que possible, entre cette compilation, témoignage de l’art byzantin, et l’art du Moyen Âge occidental.
(1) J’avais publié cet article au début de la série d’émissions Carnets de peinture (voir ci-dessous)
(2) Adolphe-Napoléon Didron, (1806-1867), Manuel d’iconographie chrétienne grecque et latine (Denys de Fourna 1670?-1745?), Paris, impr. Royale, 1845. XLVIII + -483 p., avec index.
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Carnets de peinture et diffusée de septembre 2017 à juin 2019 sur RCF Isère. Dans l’esprit du carnet de voyage, l’émission nous faisait entrer dans les coulisses d’un art aujourd’hui bien vivant, qu’on peut appeler l’« art sacré traditionnel » (peinture de l’icône, fresque, enluminure, calligraphie, mosaïque, taille de pierre, orfèvrerie, vitrail…). On peut retrouver certains podcasts ici
Article du 11 septembre 2017 mis à jour le 6 février 2021
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