Et voilà Didron, notre archéologue, qui continue son périple à la recherche d’une copie du précieux manuscrit, Le Guide de la peinture. Bien sûr, il rencontre encore quelques péripéties, car les vieux moines, qui détiennent le document, ne comptent pas s’en séparer si facilement. Le document constitue l’appui, le point de départ de tout leur travail, depuis la formation des apprentis jusqu’aux réalisations finales. Il finit par en trouver un exemplaire chez le vieux moine et peintre Macarios, qui accepte de le lui faire copier. Un an plus tard, il reçoit enfin le fameux texte et peut en commencer la traduction et l’annoter avant de le publier en 1845.

Une fresque attribuée à Manuel Panselinos : saint Jean dictant l’Apocalypse à son disciple Procore
On découvre que l’auteur du cœur du manuscrit est un certain Denys, peintre au monastère de Fourna : né autour de 1670, il finit ses jours vers 1745. Dans l’introduction de l’ouvrage, Denys se présente : il raconte qu’il a étudié l’art depuis l’enfance, avec beaucoup de peine, à Thessalonique, en s’efforçant de suivre les traces de celui qu’il considère comme son maître, Manuel Panselinos de Thessalonique.
On sait très peu de choses sur ce maître oublié, sauf ce qu’en raconte Denys : il dit toute son admiration pour celui était « comparé à la lune dans toute sa splendeur ». Il explique que celui-ci n’a pas voulu que se perde une somme d’art et de connaissances immenses et a cherché à consigner son expérience et son savoir à l’aide de son élève, Cyrille de Chio. On dispose de peu de précisions historiques, mais Didron, dans une note de bas de page écrit : « Panselinos est ce peintre du XIIe siècle, le Raphaël ou plutôt le Giotto de l’école byzantine, dont on montre des fresques dans la principale église de Karès, au mont Athos. On dit qu’il vivait sous l’empereur Andronic 1er. Ces fresques, assez remarquables de dessin et d’expression, ont beaucoup souffert dans la couleur, qui est enfumée. Il est difficile de dire si ces peintures datent réellement du XIIe siècle ; elles nous ont semblé (…) beaucoup plus anciennes que les peintures analogues qu’on voit dans les différents monastères du mont Athos et des Météores. »
Ainsi, pour tenter de résumer, on peut dire que Le Guide de la peinture est un ouvrage composite : transcrit au XIXe siècle, il est l’œuvre d’un peintre du XVIIIe siècle, qui lui-même s’inspire largement du travail d’un prédécesseur du XIIe, sans oublier les ajouts, notes et précisions des peintres qui se sont succédé à travers tout ce temps.
Cela nous conduira dans l’article suivant ici à approfondir la notion de la transmission dans la peinture médiévale, et plus largement.
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Carnets de peinture et diffusée de septembre 2017 à juin 2019 sur RCF Isère. Dans l’esprit du carnet de voyage, l’émission nous faisait entrer dans les coulisses d’un art aujourd’hui bien vivant, qu’on peut appeler l’« art sacré traditionnel » (peinture de l’icône, fresque, enluminure, calligraphie, mosaïque, taille de pierre, orfèvrerie, vitrail…). On peut retrouver certains podcasts ici
Article du 30 octobre 2017