
pigment cinabrese
Après le noir, Cennino Cennini décrit la sinopia, un pigment ocre rouge, composé d’oxydes de fer et provenant, à l’origine, de la région de Sinope en Turquie, au bord de la mer Noire. On le connaît depuis l’Antiquité et il est utilisé spécialement pour les ébauches. Nous en avons parlé de façon détaillée lors de l’émission du 19 mars 2018 (cliquer sur le lien pour lire) ; aussi, nous passons directement à la couleur suivante que Cennino Cennini appelle cinabrese, et qu’il ne faut évidemment pas confondre avec le cinabre.
Écoutons sa description qui constitue l’ensemble du chapitre XXXIX : « Il existe un rouge appelé cinabrese clair ; et d’autant que je sache, cette couleur n’est utilisée qu’à Florence ; elle est vraiment parfaite pour rendre la chair ou les carnations des figures sur mur ; utilise-la à fresque. Cette couleur est faite avec la plus belle sinopia que l’on puisse trouver et la plus claire ; elle est mélangée et broyée avec du blanc de Saint-Jean, comme on l’appelle à Florence ; on fait ce blanc avec de la chaux blanche et bien purgée. Quand ces deux couleurs sont bien broyées ensemble, c’est-à-dire deux parts de sinopia et un tiers de blanc de Saint-Jean, fais-en de petits pains de la grosseur d’une demi-noix et laisse-les sécher. Quand tu en as besoin, prends ce qui te paraît bon, car cette couleur te fera grand honneur, si tu l’utilises pour peindre des visages, des mains et des nus, sur mur comme je te l’ai dit. Parfois, tu peux en faire de beaux vêtements qui, sur mur, paraissent exécutés avec du cinabre. »
On l’a compris, le cinabrese a l’aspect d’une terre rosée obtenue en mélangeant un ocre rouge assez vif avec de la chaux éteinte très blanche. Cette tonalité est, à l’époque de Cennini, utilisée en Toscane pour peindre les chairs, ce qui est plus rarement le cas ailleurs. Nous reviendrons plus tard sur les techniques permettant de peindre la peau des personnages : elles associent presque toujours cinabre, sinopia et blanc, avec parfois des ajouts de verts.
Étonnamment, le cinabrese, couleur bien référencée dans la littérature et les nuanciers italiens, semble presque absente de ses équivalents français. J’ai trouvé quant à moi cette très jolie nuance en Italie et l’utilise volontiers, plus souvent pour les bâtiments ou les vêtements que pour les chairs, car elle manque de transparence.
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Carnets de peinture et diffusée de septembre 2017 à juin 2019 sur RCF Isère. Dans l’esprit du carnet de voyage, l’émission nous faisait entrer dans les coulisses d’un art aujourd’hui bien vivant, qu’on peut appeler l’« art sacré traditionnel » (peinture de l’icône, fresque, enluminure, calligraphie, mosaïque, taille de pierre, orfèvrerie, vitrail…). On peut retrouver certains podcasts ici
Article du 17 décembre 2018