Elisabeth Lamour

Peintre d'icônes

Minium, sanguine et sang dragon

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Continuons avec Cennini Cennini et Le Livre de l’art, sa description de pigments rouges les plus utilisés au Moyen Âge.

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La fiole de minium

Après s’être attardé sur la sinopia et le cinabre, Cennini évoque le rouge minium. Il n’en dit pas grand-chose (1), si ce n’est qu’il est fabriqué par alchimie et a tendance à noircir au contact de l’air. Souvenons-nous aussi de sa grande toxicité !

Cennini mentionne ensuite « un rouge appelé sanguine » (2). Il s’agit une variété terreuse d’hématite rouge, riche en oxydes de fer qui se décline dans des nuances allant du brun au pourpre, de l’orangé, à l’ocre. Voilà ce qu’il en dit : « (…) Cette couleur est naturelle et c’est une pierre solide et dure. Elle est si dure et parfaite que l’on en fait des pierres et des dents à brunir l’or (…) ; elles prennent une couleur noire et parfaite, aussi foncée que le diamant. La pierre pure est d’un violet intense et a une veine comme celle du cinabre. Écrase d’abord cette pierre dans un mortier de bronze, car si tu la cassais sur ta pierre de porphyre, celle-ci pourrait se briser. Quand tu l’a écrasée, mets-en la quantité que tu veux broyer sur la pierre et broie avec de l’eau claire ; plus tu broies, plus la couleur s’améliore et devient parfaite. Cette couleur est bonne sur mur, à fresque ; et elle donne un ton cardinal ou violet ou de laque. Il n’est pas bon de l’utiliser sur d’autres choses ou avec des détrempes. »

sang dragon

Gravure du XVe siècle illustrant l’extraction du sang dragon

Au chapitre suivant, Cennini évoque encore un autre rouge « appelé sang de dragon». Utilisé sur parchemin ou pour les miniatures, il n’en dit pas grand-chose et conseille à son lecteur de s’en détourner, au risque d’être déçu ! Il s’agit en effet d’une résine de couleur rouge  (3), dont l’inconvénient principal est d’être très altérable, surtout quand elle est mélangée avec le blanc. On peut la classer parmi les couleurs végétales, peu adaptée à la peinture sur panneau. Le conseil de Cennini s’avère donc pertinent ! En revanche, on se doute que cette dénomination associe à cette couleur qui imite celle du sang, toute une mythologie médiévale : on pensait alors, et depuis bien longtemps, que lors d’un combat entre un dragon et un éléphant, l’éléphant avait écrasé le dragon, faisant sortir une sécrétion qui, mêlée au sang des deux combattants, aurait créé le « sang dragon ».

Nous terminerons la semaine prochaine le tour d’horizon des rouges médiévaux avec les laques rouges.

Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Carnets de peinture et diffusée de septembre 2017 à juin 2019 sur RCF Isère. Dans l’esprit du carnet de voyage, l’émission nous faisait entrer dans les coulisses d’un art aujourd’hui bien vivant, qu’on peut appeler l’« art sacré traditionnel » (peinture de l’icône, fresque, enluminure, calligraphie, mosaïque, taille de pierre, orfèvrerie, vitrail…).  On peut retrouver certains podcasts  ici

  1. Se reporter à l’émission du 15 décembre 2014 ici
  2. Se reporter à l’émission du 23 mars 2015 ici
  3. Dracaena cinnabari, l’arbre dragon de Socotra ou arbre sanguin, est un arbre  originaire de l’archipel de Socotras, une partie du Yémen, situé dans la mer d’Arabie. Son nom est lié à la couleur  de la sève rouge que les arbres produisent.

Article du 21 janvier 2019

Auteur : elisabethlamour

peintre d'icônes

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