
Laque rouge sur un plateau laqué !
À l’origine, une laque est une résine issue de la sève, en général très toxique, de divers arbustes. Celle-ci forme, en séchant, un revêtement solide, résistant aux intempéries, imperméable et imputrescible. La laque apparait en Chine, il y a plus de 3 000 ans, et la technique se développe ensuite dans toute l’Asie du sud-est. Appliquée sur le bois, elle le protège en l’imperméabilisant.
Autrefois, la couleur de la laque était obtenue par des colorants naturels d’origine animale ou végétale. Citons le kermès, la cochenille, la pourpre du murex ou la gomme laque, la garance, le bois-brésil ou l’orseille.
À l’époque de Cennini, on n’utilisait plus la laque décrite par Pline l’Ancien, alors composée de pourpre et de farine siliceuse. Mais on ne connaissait pas encore le pigment issu de la cochenille, arrivée en Europe seulement au début du XVIe siècle avec la conquête du Mexique.
En revanche, durant tout le Moyen Âge, les laques creusent leur place dans les ateliers des peintres.
Le bois brésil est alors importé de Ceylan, en provenance du port de Colombo. Sa tonalité est plus proche du rose que du rouge, et la nuance exacte est réalisée en faisant varier les mélanges avec l’alun, l’urine ou la chaux.
Cennini affirme disposer de plusieurs recettes de laques rouges. Il commence par décrire une technique qui donne une couleur « très belle à l’œil » mais sans aucune stabilité. Celle-ci est obtenue en utilisant de la bourre de soie rouge colorée au kermès, puis décolorée à la cendre ou à l’urine, filtrée et enfin précipitée avec de l’alun.
La laque est aussi fabriquée à partir du kermès, un insecte parasite des branches d’une variété de chêne. Le carmin, très onéreux, provient d’une cochenille du Népal.
Cennini préconise l’utilisation de la laque « faite à partir de la gomme ». Il la décrit comme sèche, maigre, granuleuse, ressemblant à de la terre et couleur de sang. On peut supposer qu’il s’agit de gomme-laque ou du produit obtenu en traitant, à plusieurs reprises, la sécrétion résineuse de l’insecte Kerria lacca, une chenille asiatique avec de la soude puis de l’alun.
Ce qu’on appelle laque aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec les laques antiques ou médiévales, hormis leur aspect brillant et coloré. La composition est complètement différente, et les produits dépourvus des propriétés incroyables de souplesse, de longévité et d’adhérence de la laque traditionnelle.
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Carnets de peinture et diffusée de septembre 2017 à juin 2019 sur RCF Isère. Dans l’esprit du carnet de voyage, l’émission nous faisait entrer dans les coulisses d’un art aujourd’hui bien vivant, qu’on peut appeler l’« art sacré traditionnel » (peinture de l’icône, fresque, enluminure, calligraphie, mosaïque, taille de pierre, orfèvrerie, vitrail…). On peut retrouver certains podcasts ici
Article du 4 février 2019