La chapelle Sainte-Anne est une chapelle romane située au Pègue, dans le sud de la Drôme. Bien sûr, c’est d’abord sa beauté qui nous a arrêtés et fait pousser la porte du cimetière qui l’entoure.
Comme c’est souvent le cas, nous avons découvert qu’elle avait été édifiée sur l’emplacement d’un lieu de culte primitif situé au centre de la cité antique d’Aletanum. On y trouvait un baptistère identifié par des fouilles en 1957 ; dans la chapelle, subsistent des colonnes antiques ou en tout cas pré-romanes. Les sarcophages et inscriptions lapidaires (1) trouvés sur le territoire du Pègue, la mosaïque découverte par le curé qui la fit enfouir dans un jardin : tout s’accorde à montrer que la cité d’Aletanum a dû avoir une certaine importance.
Il est probable que cette chapelle, enfin l’essentiel de ce que l’on voit aujourd’hui, date du XIe siècle mais, c’est très difficile à déterminer avec précision. Rattachée au diocèse de Die, elle était autrefois appelée Notre-Dame-d’Authon. Au XVlle siècle, elle fut agrandie d’une travée de nef et alors appelée Chapelle Sainte-Anne. Les constructeurs de l’église ont utilisé, au fil du temps, des matériaux provenant du site antique ou réemployé des matériaux antérieurs.
Cette chapelle se rattache au style rhodano-provençal. Sans contreforts extérieurs, elle se compose d’une abside semi-circulaire voûtée en cul de four (quart de sphère), et d’une courte nef à deux travées couverte d’une voûte en plein cintre (arc semi-circulaire sans brisure). L’abside est construite en pierres de taille volumineuses. Dans la nef, elles sont plus petites et disposées irrégulièrement, sauf les claveaux (pierres taillées formant I’angle des portes). On peut imaginer que la nef était enduite et peut-être même fresquée, comme c’est très souvent le cas dans les églises de cette période.
Dans l’abside, on remarque l’ouverture en ébrasement, technique romane de construction des fenêtres, permettant une certaine entrée de lumière. Du côté extérieur de l’ouverture, se trouve une pierre portant une inscription lisible à l’envers. Il s’agit probablement du réemploi d’un élément du IIe ou IIIe siècle, demandant, pour Julius et (un prénom féminin mais je n’ai pas réussi à relire mes notes !!), la protection d’une divinité à l’occasion d’un voyage.
Une frise dentée court sous la corniche et sert à canaliser l’écoulement des eaux. La façade sud s’ouvre par une belle porte en bois datant de 1664 avec des initiales.
La chapelle fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis 1926.
Je ne suis pas du tout spécialiste en art roman et j’espère ne pas dire trop de bêtises mais je peux juste affirmer que ce qui me touche le plus, ce sont ces constructions composites qui mélangent les marques de différents moments du passé et les traces du travail des hommes. Ainsi en est-il des pierres sur lesquelles on peut lire des signatures de tailleurs de pierre, parfois de simples signes ou un nom en entier, comme celui de Poncius. Cette obstination à construire la beauté, à réemployer des matériaux de passés encore plus lointains comme on se transmettrait un « témoin » de main en main dans le relais de la vie : tout cela me touche profondément…
(1) une inscription lapidaire est un texte gravé, incisé ou peint sur la pierre. L’étude des inscriptions lapidaires est l’objet de l’épigraphie.



