Que se passe-t-il dans nos vies avant chaque grand bouleversement ? Je suis très sensible à la notion de « l’instant d’avant » et c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai été touchée par deux mosaïques de Sicile, l’une à Monreale et l’autre à la Chapelle palatine de Palerme, qui illustrent les prémices, l’avant de la Création.
Le texte de la TOB (Gn 1-2) dit : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, la terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de dieu planait à la surface des eaux, ». Sur la mosaïque de Monreale, l’inscription latine (1) est simplifiée : « In principio creavit Deus caelum et terram » mais la scène illustre bien l’ensemble des deux premiers versets de la Genèse. Elle décrit l’œuvre pacificatrice de l’Esprit de Dieu sur les énergies chaotiques de l’abysse, représentées sous forme d’une mer orageuse. L’impression est probablement accentuée par le réagencement quelque peu désordonné des pièces colorées au cours d’une ancienne restauration.
La caractéristique principale de la représentation est sa composition verticale et centrale. Le flux de l’eau vivifiante de l’Esprit, représenté sous forme de colombe nimbée, semble irradier depuis le cœur du Créateur, tel un don. Au contact des vagues tumultueuses, après avoir traversé les ténèbres, l’Esprit ordonne et calme les eaux de l’abysse. Le visage dans le fleuve est sa personnification, un héritage de l’art gréco-romain (un tel motif, lié à la Création du monde, est rare à Byzance, sauf dans l’art de la miniature).
Dieu est placé dans une mandorle. On peut remarquer qu’Il est, dans la plupart des icônes et des mosaïques, représenté comme l’est le Christ (couleurs, chevelure et barbe, etc.), avec, comme seule différence, l’absence de croix dans l’auréole et, sur la mosaïque de Palerme, l’inscription « DS », abréviation du latin Deus.
On peut faire un parallèle avec la représentation de la scène du Baptême du Christ.
Finalement, cette scène n’est éloignée ni des mythes relatifs à la Création dans les religions du Moyen-Orient et de l’Egypte, ni de la description par les scientifiques d’aujourd’hui du « Big-bang » avec l’abysse primordial sous forme d’énergie pure, et un évènement initial spécifique, un « instant d’avant »…
(1) À Monreale, les inscriptions en latin sont privilégiées, à cause des Normands, commanditaires des mosaïques.