Elisabeth Lamour

Peintre d'icônes


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Le nouveau pigment bleu YInMn

Pigments bleus…

Ces dernier temps, j’ai reçu de nombreux messages d’amis qui savent que je me suis particulièrement intéressée aux pigments bleus : un nouveau pigment bleu a récemment vu le jour, ce qui n’était pas arrivé depuis plus d’un siècle. Il s’agit d’un bleu très vif qu’on pourrait situer entre le bleu outremer et le bleu de cobalt. Il porte actuellement un nom peu poétique : le YInMn Blue, ce qui est simplement l’abréviation de ses principaux composants chimiques : yttrium (une terre très coûteuse), indium et manganèse. Après avoir subi les contrôles nécessaires, ce pigment est commercialisé depuis peu par exemple chez un de mes fournisseurs préférés : Kremer. Mais il est produit actuellement en petite quantité (en raison de la rareté des composants si j’ai bien compris), et son prix reste très élevé, environ 4 000 €/kg

La première découverte remonte à 2009 et, comme c’est arrivé si souvent dans l’histoire des couleurs (voir l’article sur le bleu de Prusse), elle est accidentelle, fruit d’un « splendide hasard » : Andrew Smith, étudiant de l’Oregon, travaillait au sein d’une équipe dirigée par Mas Subramanian. Il tentait de créer un matériau électronique à haut rendement en chauffant l’oxyde de manganèse à 1 200° lorsqu’il a remarqué qu’un composé bleu d’une étonnante tonalité avait émergé dans le four, assez proche par sa luminosité du fameux « bleu Klein ».

Les qualités de ce bleu ne résident pas seulement dans sa merveilleuse tonalité : il est aussi très stable à la lumière comme à la température et ne semble ni toxique pour l’humain, ni dangereux pour l’environnement (bien que nécessitant des matériaux rares, ce qui n’est quand même pas anodin !). Il semble que l’équipe à l’origine de ce pigment continue les recherches pour obtenir d’autres couleurs selon le même genre de procédé. Par ailleurs, le YInMn reflète particulièrement bien les rayons infrarouges, et pourrait dès lors être utilisé de manière autant pragmatique qu’esthétique pour protéger des bâtiments de la chaleur.

Il semble bien adapté à la peinture à la tempera et j’espère l’essayer bientôt ou avoir quelques retours de la part de ceux qui le feront.

C’est un peu consternant quand on voit la beauté, la brillance et la profondeur de cette couleur, de n’avoir pas trouvé mieux pour le nommer que quelques initiales abréviatives que je n’arrive même pas à prononcer ! La firme Crayola l’a utilisé pour un nouveau crayon de couleur baptisé, suite à un concours, «bluetiful». C’est déjà mieux ! J’espère qu’on lui trouvera un plus joli nom à l’avenir, pourquoi pas celui d’un peintre qui excellera avec cette couleur (on connaît le vert Veronèse, le bleu Klein, le brun Van Dick…).


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« Fleur bleue »

Il aura suffi que je découvre chez mon amie Annie une fleur d’un bleu intense, pour que me vienne l’envie de publier cet article resté en attente. Comme le dit Colette (article à suivre) : « Le Créateur de toutes choses s’est montré un peu regardant quand il a distribué chez nous les fleurs bleues ».  Chacune, avec son histoire et sa gamme de tonalités, suscite une émotion ou évoque quelque souvenir.

Delphinium sur « La larm e» d’Annie, à Balbins 38 (Pois de senteur au premier plan)

Dans le langage des fleurs, le bleu pâle exprime la tendresse et l’innocence. Il faut remonter au début du XIXe siècle et au jeune écrivain allemand, Novalis, pour trouver l’origine de l’expression « fleur bleue ». Dans un roman inachevé, il évoque la légende d’un trouvère médiéval qui, parti à la recherche d’un idéal, découvrit la fleur bleue, symbole de la poésie. On parle de « la fleur bleue du romantisme ».

En traversant le Rhin, la fleur bleue change de sens ; elle abandonne le registre de la poésie pour être associée à une sentimentalité mêlée de naïveté. Le bleu peut aussi évoquer la jeunesse, car un « bleu » désigne un débutant, un novice. 

Bien qu’assez rares, les fleurs bleues existent dans la nature. Citons la glycine, le lin, l’iris, le glaïeul, la pervenche et le pétunia, la lavande, le lilas, le bleuet, la fleur de sauge et de bourrache, le myosotis, le muscari, le lupin, le géranium de l’Himalaya… ou le delphinium. L’hortensia, lui, tire sa couleur caractéristique des sols d’ardoise. Quant à la vigne vierge à fruits bleus, plante grimpante ligneuse originaire de Chine, elle est cultivée comme plante ornementale pour ses raisins aux couleurs remarquables allant du mauve au bleu turquoise.

On trouve également des fruits bleus comme celui du genévrier commun utilisé en condiment, la mûre, la myrtille, l’orcette ou myrtille des marais, certaines airelles, la prune, le pruneau et la prunelle. 

Le bleuet, sorte d’airelle à feuilles étroites, est une myrtille arbustive de grande taille qui pousse au Canada, en particulier dans la région du lac Saint-Jean. Les anthocyanosides lui donnent sa couleur bleu foncé caractéristique. Ce petit fruit serait une des vedettes montantes de l’alimentation thérapeutique, un puissant antioxydant réputé pour son action sur la mémoire, la vision et la fatigue oculaire. 

Pour moi, ces fruits évoquent la cueillette des baies bleues cachées sous le tapis moussu dans la lumière rasante des pays du Nord. Une barque passe, et le clapotis des rames chante avec le silence. 

Cet article a été l’objet d’une émission sur RCF Isère le 16 janvier 2012 ; il constitue le chapitre 21 du livre, Bleu intensément et été mis à jour le 11 juillet 2020.


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« Bleu, intensément »

Et voilà la reprise des émissions Tout en nuances sur RCF Isère (103.7, chaque lundi à 8 h 35 et 11 h 10). Pour l’année 2016/2017, et après trois années passées avec la couleur bleue, un an et demi avec le rouge et quelques mois avec le rose, je vous propose de découvrir une nouvelle couleur : ce sera le vert. L’ensemble des émissions est présenté sur ce site à la rubrique « autour de l’icône/émissions de radio ».

Couv-3aout - copieLa traversée sur l’océan des couleurs a commencé en août 2011 avec la première émission de Tout en nuances. Trois années se sont écoulées à effeuiller les subtilités de la couleur bleue, son histoire mouvante et sa symbolique. J’ai interrogé la qualité des pigments, leur histoire, leur utilisation dans les rituels et dans la peinture, puis partagé avec mes élèves et les auditeurs. Dans le murmure des vagues, j’ai entendu l’amour des peintres pour cette couleur, et quelquefois leur peur…

C’était comme l’invention d’une palette aux nuances infinies, déclinaison inachevée. Il y eut aussi ces photos des îles de bleu et de vent, des Açores aux îles de la Madeleine et celles de terres glacées d’un silence juste habité d’un air de blues. Le cycle d’émissions s’est terminé par une petite enquête. La question posée était : « quelle est la couleur de votre âme ? » Les réponses furent poétiques, profondes, sensibles… et comme je m’y attendais… largement teintées de bleu !

Couv-versot- copie - copieJ’ai continué mes recherches, présenté mes pigments, essayé chaque nouvelle nuance sur mes icônes puis exposé plusieurs fois dans la région1 le résultat de mon travail et de ma passion : tout cela m’a semblé tellement riche ! J’ai croisé des personnes, des auditeurs ou des élèves qui m’ont parlé de la couleur bleue comme d’une fidèle compagne. De ce voyage parfois inattendu est né un livre, réalisé tout le printemps dernier et achevé cet été, avec l’aide de la talentueuse graphiste Ewa Maruszewka. Il « sort » pour cette rentrée, alors que nous embarquons pour un nouveau voyage à travers les nuances et la singularité de la couleur verte. J’espère que vous vous régalerez à le lire comme je me suis régalée à l’écrire, que vous vous plongerez vous aussi dans les nuances de bleu, leur histoire, leur étonnante diversité et que vous rêverez, en laissant votre imagination naviguer sur l’océan réconfortant des couleurs !

Pour trouver les points de vente, cliquer ici.
Émission en podcast ici.

Le livre a été présenté de façon détaillée fin août dans l’Édition locale sur RCF Isère. Podcast ici.

  1. Église de Montaud (septembre 2014), Notre-Dame-des-Neiges à Susville (octobre 2014), Casamaures (avril à juin 2016).

Article du 29 août 2016


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« Bleu, intensément »

Bon commandeUne traversée sur l’océan du bleu a commencé le 20 août 2011 avec la première émission de Tout en nuances sur RCF Isère. Trois années se sont écoulées à effeuiller les subtilités de la couleur bleue, son histoire mouvante et sa symbolique.

J’ai interrogé la qualité des pigments, leur histoire, leur utilisation dans les rituels et dans la peinture. Dans le murmure des vagues, j’ai entendu l’amour des peintres pour cette couleur, et quelquefois leur peur…

C’était comme l’invention d’une palette aux nuances infinies, déclinaison inachevée. Il y eut aussi ces photos des îles de bleu et de vent, des Açores aux îles de la Madeleine et celles de terres glacées d’un silence juste habité par un air de blues, au loin…

Le cycle d’émissions s’est terminé par une petite enquête. La question posée était « quelle est la couleur de votre âme ? » Les réponses furent poétiques, profondes, sensibles… et comme je m’y attendais… largement teintées de bleu !

J’ai complété ma collection de pigments bleus à la recherche de la nuance, cette si légère différence, ce pas de côté, cette délicatesse qui enchante et console. Je les ai essayés un à un, sur les icônes et les nuanciers, taraudée par l’idée de les présenter dans leur transparence. Avec l’aide de deux amies, Anne1 et Isabelle2, j’ai conçu L’Arbre aux pigments bleus3.

Et voilà, l’enthousiasme ne m’a pas quittée et Bleu, intensément, sera la trace de ce « voyage en douce » dans le bleu…

Le livre sortira en septembre, réalisé en collaboration avec la talentueuse graphiste Ewa Maruszewska, 128 pages couleur, 20 €.

Vous pouvez le réserver dès maintenant (et jusqu’à fin août) au prix de 18 € (envoi sans frais de port). Il suffit de reproduire le bon de commande (imprimer ou recopier les informations) et d’envoyer un chèque libellé à mon nom, 3, impasse Chante-Briquet, le village, 38560 Champ-sur-Drac.

1. Anne Brugirard, Atelier Montfollet www.atelier-montfollet.com
2. Isabelle Jacquet www.isabelle-jacquet.com
3. L’Arbre aux pigments bleus  à été présenté lors d’expositions avec des icônes, des vitraux et d’autres œuvres : à l’église de Montaud, à l’église Notre-Dame-des-Neiges à Susville et dans cet endroit bleu et magique qu’est la Casamaures de Grenoble.

N.B. : il est toujours possible de commander les autres ouvrages à retrouver en cliquant ici.

 

L'arbre aux pigments bleus

L’Arbre aux pigments bleus

Article du 7 avril 2016


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Le rose est-il féminin ? (émission du 21 mars)

hortensia roseTout en nuances sur RCF Isère (103.7, chaque lundi à 8 h 35 et 11 h 10).

Après trois années à décliner les nuances du bleu, nous nous sommes attardés sur son contraire symbolique : le rouge. Nous terminons cette deuxième année par sa petite sœur, le rose et nous voilà partis pour un printemps dans cette tonalité. Le rose, on l’a évoqué, est aujourd’hui associé au féminin. Mais comme tous les codes de couleur, cette habitude est assez récente.

Pendant longtemps, les vêtements de la plupart des enfants ne sont pas teints, car ce procédé trop coûteux, est réservé à une élite. Le rose, au Moyen Âge, est la couleur des princes, tel une étape vers le rouge, une façon d’adoucir, par l’adjonction de blanc dans le rouge, une couleur de feu, guerrière et royale, réservée aux adultes.

hortensia bleuOn raconte que Napoléon III et Eugénie choisissent le bleu pour Louis, leur fils unique afin de le placer sous la protection de la Vierge. On a vu comment, peu à peu, après le Moyen Âge, le manteau de la Vierge passe, en Occident, d’un mélange de rouge et bleu qui évoquait à l’origine la terre mère, à une couleur de plus en plus pastel tirant vers le bleu. Alors, selon les pays et les époques, les codes changent et rien ne fixe cette répartition jusqu’au XXe siècle : bleu pour les garçon et rose pour les filles.

Kandinsky écrivait déjà en 1910 à propos du rose: « Cette couleur, qui devient intense par la seule adjonction de blanc, est très appréciée pour les toilettes des jeunes filles. »

De triste mémoire, le triangle rose était imposé aux homosexuels masculins enfermés dans les camps de concentration. Ce symbole a été repris ensuite dans les communautés homosexuelles des années soixante-dix, avant d’être remplacé par l’arc-en-ciel dont la première version comportait une bande rose en plus des sept couleurs. Un ruban rouge a été l’emblème de la lutte contre le sida, ruban devenu rose pour soutenir la lutte contre le cancer du sein.

On s’en doute, les études scientifiques montrent qu’il n’y a rien d’inné ni d’immuable dans cette répartition entre un bleu attribué aux petits garçons et un rose attribuées aux filles. Il n’en demeure pas moins que c’est la connotation de douceur de cette couleur, qui par rebondissement, a donné ce qui n’est qu’un code social. Une chose est intéressante à souligner : dans les deux cas et quel que soit le code, l’adjonction de blanc à une couleur vive, rouge ou bleue, est attachée à l’enfance, à l’innocence, à la douceur…

 

  1. KANDINSKY Wassily, Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, Folio essais.

Article du 21 mars 2016


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Casamaures, bleus et rêves d’Orient, 2 et 3 avril

casa bleuDans le cadre des Journées des métiers d’Art, Anne, Sibylle, Jean-Christophe et moi, aurons le plaisir de vous accueillir à la Casamaures les 2 et 3 avril de 14 h à 17 h.image002

Un article complet raconte la Casamaures ici et vous trouverez une autre petite présentation sur ma page expositions

Attention : étant donné la foire sur le parking relais de l’esplanade, nous vous conseillons vivement de prendre le tram E, arrêt Casamaures village.

JEMA casamaures 4

 

 

 

 


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Chagall, « je suis bleu »

Le lundi 4 novembre 2013, nous avons commencé un cycle en quatre épisodes sur Marc Chagall (1887 à 1985).

Autoportrait à la palette

Autoportrait au chevalet

 

Marc Chagall vécut presque centenaire, de 1887 à 1985. Dans son œuvre, une couleur rayonne, c’est peu dire, et c’est le bleu, que ce soit dans ses peintures, dans le choix des tesselles de ses mosaïques ou encore davantage dans ses vitraux.

Non seulement le bleu domine largement, mais le titre des tableaux souligne encore cette omniprésence : Les Amants bleus, Le Violoniste bleu, Le Cirque bleu, Paysage bleu, Le Visage bleu…

Il faudrait étudier presque toutes ses œuvres pour comprendre l’entêtement de Chagall pour le bleu et l’attirance pour le ciel et ses promesses. Restons un peu dans cet univers onirique et rayonnant. C’est bien Chagall et le bleu, pour nous réchauffer et nous faire oublier la saison de l’avancée des nuits !

L’artiste lui-même semble se voir en bleu et se serait écrié :
« Pourquoi bleu ? Mais je suis bleu, comme Rembrandt était brun. »

Ses autoportraits confirment cette sensation. L’un d’entre eux, l’Autoportrait au chevalet datant de 1914, est offert par Chagall à son ami Ilya Ehrenbourg. L’artiste y est représenté tenant une palette, face à une toile à la texture très visible et au léger ramage bleu évoquant le ciel. Il paraît tourner la tête avec un visage vague et interrogateur à l’étrange regard bleu ; il est vêtu d’une chemise insolite ornée d’extravagants galons semblant se refléter sur la toile, du même bleu changeant. Où est le réel ? Lequel reflète l’autre ? Cette main qui trace les formes bleues ? Ce regard qui part ailleurs, très loin, personne ne sait vers quel voyage, vers quelles pensées ? Ce jeu de miroir ? Ces nuages aux tonalités bleues qui, à leur tour, reflètent le ciel ?

Alexandre Kamenski, critique d’art spécialisé dans l’œuvre de Chagall, écrit à propos de ce tableau : « La magie de la couleur donne son unité à cet apparent paradoxe. Je me souviens de la première impression que me fit cet autoportrait, qui demeura longtemps posé sur un chevalet au milieu du vaste salon de l’appartement moscovite d’Ilya Ehrenbourg. C’était comme un nuage, une brume bleue flottant au-dessus du tableau. L’espace environnant se colorait de cette lumière irréelle. »

Cet article est tiré d’une émission diffusée le 4 novembre 2013 sur RCF Isère dans le cadre de la série « Tout en nuances » qui a duré pendant six années. Elle est présentée ici. L’article a été mis à jour le 7 novembre 2020 et figure dans le livre Bleu, intensément, chapitre 89.

Sur Chagall, on peut lire aussi Les Amants bleus, La Maison bleue et Le Visage bleu

Article du 4 novembre 2013


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Verlaine et le bleu

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« Je ne crois qu’aux heures bleues
 et roses »

« Je ne crois qu’aux heures bleues
Et roses que tu m’épanches
Dans la volupté des nuits blanches !
»(1)

L’œuvre de Verlaine offre une dizaine de courts recueils rédigés à la fin du XIXe siècle. Il y cultive une tonalité mélancolique en harmonie avec le bleu, une poésie impressionniste, nostalgique, bercée par ses états d’âme. J’ai trouvé par hasard une table des concordances rythmiques et syntaxiques du poète. Il s’avère que Verlaine utilise au moins dix-huit fois le mot bleu dans ses poèmes. Presque à chaque fois, il associe l’adjectif avec le mot ciel ou le mot infini. Une seule fois, Verlaine nomme une nuance : il est question du bleu de Prusse, mais la connotation est rude ; il s’agit de la couleur des yeux d’une dame, « d’yeux froids à l’éclat insolent et dur du diamant… ».

Verlaine se marie en 1870 mais le bonheur, de courte durée, cède la place aux malentendus et aux inclinaisons pour les amours tumultueuses. Pendant la guerre de 1870, Verlaine se lie avec Rimbaud et parcourt avec lui la Belgique et l’Angleterre. En juillet 1873, il tire sur son ami deux coups de revolver, et le voilà emprisonné à Mons. Il apprend dans sa cellule que sa jeune femme a obtenu la séparation. Ébranlé, il retrouve la foi et Romances sans paroles et Sagesse témoignent de sa conversion.

Une des strophes les plus connues de Sagesse, recueil publié en 1881, regroupe des textes écrits en prison ou juste après, et illustre les sentiments liés au bleu : se mêlent une recherche d’absolu, une nostalgie et tant de regrets. Le bonheur s’en est allé : restent les impressions, une douloureuse pureté silencieuse et bleue.

« Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme
»

(1) Extrait de Chansons pour elle, 1891

Cet article est tiré d’une émission diffusée le 21 octobre 2013 sur RCF Isère dans le cadre de la série « Tout en nuances » qui a duré pendant six années. Elle est présentée ici. L’article a été mis à jour le 21 novembre 2020 et figure dans le livre Bleu, intensément, chapitre 87.

Article du 21 octobre 2013


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La pierre de turquoise

 

P1010588 - copieLa pierre de turquoise fascine depuis longtemps. Utilisée par les Égyptiens vers 6000 avant Jésus- Christ, elle incrustait de précieuses parures les riches sépultures.

Les mines de Nishapur, en Perse, sont connues pour l’excellente qualité de leurs turquoises, déjà mentionnées dans la région un ou deux siècles avant notre ère. En Inde et au Tibet, on l’emploie dans l’art et la bijouterie. Elle prend place partout, depuis les pendentifs jusqu’aux moulins à prières. En Europe, la turquoise devient populaire seulement après la Renaissance. 

En Amérique du Nord, les endroits propices à la turquoise sont connus des Indiens, bien avant l’arrivée des mineurs. Un commerce se développe avec les tribus de la côte Pacifique qui les échangent avec des coquillages. Cette pierre de prédilection des Indiens du Sud est maintenant travaillée par des artistes qui la transforment en bijoux magnifiques. La pierre est aussi employée dans certaines pratiques religieuses et comme monnaie d’échange. 

Les Navajos imaginent que la turquoise est un morceau de ciel tombé sur terre. Pour les Apaches, elle combine les esprits de la mer avec ceux du ciel pour aider guerriers et chasseurs. Les Zunis espèrent qu’elle les protège des démons. Les Aztèques réservent la turquoise à l’usage exclusif des dieux, la pierre ne pouvant être portée par de simples mortels. C’est encore elle qui orne la déesse du renouveau. 

La turquoise a toujours été considérée comme une pierre de vie et de bonne fortune et certaines médecines, indienne, chinoise ou tibétaine, lui attribuent des propriétés magiques ou curatives. Elle aurait le pouvoir de soigner les désordres gastriques, les hémorragies internes, les piqûres de serpents et de scorpions. Ce talisman, placé sur les paupières, préviendrait la cécité et protégerait des blessures accidentelles et de la folie. Peut-être… Toujours est-il que cette tonalité de la turquoise, qui hésite entre le bleu et le vert, réjouit, inspire et invite au voyage. 

Cet article est tiré d’une émission diffusée le 4 mars 2013 sur RCF Isère dans le cadre de la série « Tout en nuances » qui a duré pendant six années. Elle est présentée ici. L’article figure dans le livre « Bleu, intensément », chapitre 67.

On peut découvrir le pigment bleu turquoise ici, et une icône réalisée avec ce pigment

Article du 4 mars 2013 mis à jour le 22 mai 2020


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Impressions nordiques (émission du 11 mars)

Aslak, le petit lapon

Aslak, le petit lapon

Durant cette émission, j’effeuille les subtilités de la couleur bleue, l’histoire de cette couleur céleste ainsi que sa symbolique. J’évoque également l’évolution des goûts et des sensibilités, tout en interrogeant la qualité des pigments. Je glisse parfois aussi des rêves de lumières bleues et des émotions de voyages. Lors de l’émission du 11 mars, je glisserai entre imaginaire et souvenirs.

Le livre fétiche de mon enfance s’intitule Aslak le petit lapon (1). Je crois bien qu’il a conduit la plupart de mes rêves de voyage, la quête des contrées en blanc et bleu, l’envie du scintillement  de la neige et du ciel. Le livre, le rêve et la réalité se confondent ; je fais mal la part des choses.

Aslak le petit lapon est un des livres de la journaliste Dominique Darbois. Publié chez Nathan en 1964, il entre dans une série de livres photos sur les enfants du monde qui a marqué beaucoup d’enfants de ma génération.

Je l’ai lu et relu, au point d’être habitée par ces paysages de neige. Malgré les photos en noir et blanc, je les ai vus dans mon imagination d’enfant, tout en blanc et bleu. Très jeune j’ai passé, pour cause de maladie, quelques séjours en pays d’hiver. Étourdie de liberté, j’ai marché, dans la neige, émerveillée par la lumière et le bleu du ciel.

Beaucoup plus tard, j’ai éprouvé la rencontre des ces deux couleurs dans les reflets bleus des glaciers de Norvège. Par un jour de ciel sans nuage, j’ai survolé le Groenland et le Labrador après une tempête qui avait encore souligné le blanc de la glace et les déchirures de la mer, tellement bleue.

Impressions nordiquesJ’ai entendu le crissement des patins du traîneau d’Aslak sur la neige luisante. Et, par un petit matin de février, j’ai ressenti cette sensation ; décor en blanc et bleu sur l’île d’Orléans.

J’ai touché l’écorce des bouleaux et n’ai eu de cesse de retrouver ces paysages. J’habite aujourd’hui un village qui regarde la montagne ; les coteaux sont couverts de bouleaux et parfois, j’utilise ce bois comme support pour mes icônes. Au temps des vacances, je file vers les pays du Nord, le plus près possible du blanc et du bleu, le plus près possible d’Aslak.

En rêve, j’ai senti le poil clair et rêche des rennes. Les animaux se confondent avec la neige, comme parfois, le réel et l’imaginaire. Ainsi le raconte Jacques Poulin, auteur québécois, dans La traduction est une histoire d’amour, à propos du renard polaire natif des régions arctiques (p. 57).

« Dans me rêves, je voyais souvent un renard bleu. C’était probablement celui qui s’appelle isatis (d’après mon Petit Larousse) et qui vit dans les régions arctiques. Il n’est pas vraiment bleu, mais la lune ou le soleil de minuit allument des reflets bleutés sur son poil gris ».

Pour retrouver les fréquences de RCF Isère, cliquez ici. 

Article du 11 mars 2013