Je viens de recevoir des échantillons de deux tonalités différentes du bleu maya, à propos duquel j’avais écrit un article dans le livre Bleu, intensément. Vous trouverez à la fin de l’article quelques remarques sur l’utilisation pratique de ces pigments.
Et voilà, ci-dessous, les informations dont je disposais jusqu’alors.
Une fois de plus, la science et l’anthropologie viennent de s’associer pour résoudre des questions relatives à un fascinant pigment vivement coloré, connu sous le nom de bleu maya, couleur du ciel.
Ce pigment utilisé pendant plus d’un millénaire en poterie, en sculpture et dans les peintures murales d’Amérique centrale apparaît autour du VIe siècle. Il joue un rôle essentiel dans la pratique religieuse maya : cette peinture bleue, inhabituelle, est employée pour enduire les victimes de sacrifices humains ainsi que les autels de sacrifice. Le bleu maya fait également partie du rituel pour s’attirer la bienveillance de Chaak, dieu de la pluie. Quand le ciel est clair et que les pluies tardent à abreuver la terre, les Mayas organisent des cérémonies au cours desquelles des objets et des sacrifices humains peints en bleu – la couleur de Chaak – sont jetés dans des trous naturels remplis d’eau.
Pendant la période coloniale, on emploie cette couleur pour peindre les fresques des églises et des couvents ; longtemps oubliée, elle est redécouverte en 1931. Les scientifiques sont déconcertés par la stabilité et la luminosité d’un pigment qui semble insensible aux effets de l’altération chimique ou physique. Ils savent maintenant que le bleu maya est constitué de la combinaison chimique de l’indigo et de la palygorskite, une argile minérale bien connue des potiers du Yucatán et également prescrite à des fins médicinales.
En combinant les prélèvements et les analyses minéralogiques, les témoignages de potiers d’aujourd’hui, la recherche ethnographique et géologique, les chercheurs ont établi une relation entre les savoirs et les pratiques des habitants de la région, l’histoire et les traditions liées à ce pigment. Ainsi, ils viennent d’identifier son lieu d’origine de façon certaine, dans les mines de deux sites du Yucatán.
Ce pigment, le bleu maya, a traversé le temps et se révèle un des précurseurs des matériaux hybrides actuels, un sujet d’étude et d’étonnement. J’imagine un chercheur penché sur sa table de travail, examinant le pigment, scrutant son ordinateur et ses notes : il décourbe le dos, émerveillé devant tant de bleu, pour tourner son regard vers le ciel.
Cet article a été l’objet d’une émission sur RCF Isère le 17 septembre 2012 ; il constitue le chapitre 45 du livre, Bleu intensément .
Article du 12 janvier 2021 complété le lendemain après un essai.
J’ai essayé mes deux échantillons de pigment bleus Maya (il existe une troisième nuance qui n’était pas disponible au moment de ma commande, ce qui ne devrait pas changer grand-chose à mes observations car elle semble encore plus grise).
J’avoue avoir été un peu déçue par la tonalité très grise de ces « bleus » : la couleur est jolie et profonde, mais ne m’évoque pas du tout cette couleur de ciel qui présente le pigment dans divers articles. La plus foncée fait un peu penser au bleu de Prusse avec une tonalité qualifiée de « glacée ». Le catalogue qui la présente assure de sa stabilité. Elle n’est pas très onctueuse et peu couvrante (plutôt transparente). Cela dit, si elle ne correspond pas à mon attente, elle me plaît néanmoins par sa profondeur et j’aurai plaisir à l’utiliser !
PS : j’ai mélangé les pigments à ma préparation à l’œuf. On ne peut pas les diluer dans l’eau seulement.