Elisabeth Lamour

Peintre d'icônes


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Kandinsky et la couleur jaune

Pigments jaunes

Nous avons souvent évoqué ce délicieux petit livre : Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier de Kandinsky (Folio 1954). Avant de publier quelques articles sur la couleur jaune, je commence par vous partager quelques passionnantes réflexions tirées du chapitre VI intitulé Le langage des formes et des couleurs.

Kandinsky affirme que « la chaleur ou la froideur d’une couleur est une tendance au jaune ou au bleu » (p. 142). Il parle de la résonance de la couleur, chaude avec le jaune, froide avec le bleu. Il insiste en expliquant que, lorsque ces deux couleurs sont placées côte à côte, le bleu développe un mouvement concentrique (« comme un escargot qui se recroqueville dans sa coquille » p. 143) alors que le jaune irradie et semble se rapprocher du spectateur. « Cet effet s’ accentue par la différence entre clair et foncé : l’effet du jaune augmente lorsqu’on l’éclaircit (pour parler simplement : par adjonction du blanc) et celui du bleu lorsque la couleur s’assombrit (adjonction du noir). Ce phénomène prend une importance encore plus grande si l’on considère que le jaune a une telle tendance au clair (blanc) qu’il ne peut guère exister de jaune très foncé. Il y a donc une parenté intime entre le jaune et le blanc ». On retrouve cette considération dans la peinture de l’icône puisque le blanc, comme le jaune, symbolise la lumière, la transfiguration, la résurrection. Les fonds de l’icône sont le plus souvent traités en jaune, (ou en or), et on parle alors de lumière incrée. Dans « la montée en lumière » sur les visages, l’utilisation de la couleur jaune souligne la présence de la lumière divine dans chaque visage.

Le jaune, comme le souligne Kandinsky, est la seule couleur qu’on ne peut pas foncer. Ajoutons une pointe de bleu ou de noir dans du jaune, et voilà que la lumière s’éteint : le jaune devient terne ou verdâtre, Kandinsky écrit même « maladif » !

Dans la suite de son texte, Kandinsky compare la couleur jaune avec les notes les plus aiguës en musique : « il est intéressant de noter que le citron est jaune (acidité aiguë) et que le canari est jaune (chant aigu) » (note 1, bas de page 148). L’ambivalence de la couleur jaune (comme de toutes les couleurs d’ailleurs) est ensuite soulignée. Dans son côté négatif (aigu ?) « Il pourrait servir à la représentation colorée de la folie (…), accès de rage délire aveugle folie furieuse » (p. 148). En revanche, son côté doux, clair « dégage une chaleur spirituelle » (p. 151)

Et voilà comment Kandinsky nous introduit à une lecture des couleurs que nous connaissons parfois intuitivement : le jaune est la couleur de lumière, mais véhicule aussi des connotations négatives dont nous reparlerons.