Elisabeth Lamour

Peintre d'icônes


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Saint Hippolyte et les chevaux indomptés

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Icône de saint Hippolyte, 25 x 35 cm, 2017

Saint Hippolyte est un soldat chargé de la surveillance de saint Laurent dans une prison de Rome. Impressionné par son prisonnier, Hippolyte se convertit au christianisme et est baptisé par Laurent avec dix-neuf autres personnes de son entourage.

La tradition rapporte qu’après le martyre de Laurent, Hippolyte l’enterre secrètement dans la propriété de la veuve Kyriaquie, en compagnie du prêtre Justin. Il est dénoncé puis arrêté, mais un ange vient le délivrer et le transporte chez lui. Il fait de touchants adieux à ses parents et à ses serviteurs et leur offre un festin. Alors qu’ils sont attablés, les soldats surgissent et le conduisent devant l’empereur Valérien. Espérant l’infléchir, celui-ci lui fait revêtir ses ornements militaires et lui promet de grands honneurs. Mais Hippolyte reste fidèle à sa foi.

Flagellé, torturé, il est ensuite attaché à des chevaux sauvages (« indomptés ») en référence au personnage de la mythologie grecque dont il porte le nom (le fils de Thésée). Traîné sur une longue distance, il meurt en l’an 258, juste après sa nourrice Concordia et les proches qu’il a convertis. On raconte que, sept jours après son martyre, Hippolyte apparaît à Valérien et à son fils en chemin vers l’amphithéâtre : il les châtie avec des chaînes de feu invisibles.

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La statue du XVIIe siècle

C’est peut-être en son honneur et pour honorer ses reliques rapportées de Rome en 713, que fut construite à Paris entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’église Saint-Hippolyte. Hippolyte est le saint patron de la chapelle des Angonnes à Brié (Isère), depuis le XIIe siècle. On ne sait pas trop pourquoi, car ce saint ne fait pas partie des saints très vénérés dans la région. La petite église renferme de nombreux trésors, dont plusieurs représentations de saint Hippolyte, en particulier une statue polychrome du XVIIe siècle et une peinture sur toile du XVIIIe siècle.

Saint Hippolyte est le patron de gardiens de prison et le protecteur des chevaux. On lui adresse des prières pour développer la force physique.

Fête le 13 août.

 

Article du 31 janvier 2017


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La double vie du glauque

OLYMPUS DIGITAL CAMERAQuand on utilise le mot glauque, on perçoit tout de suite la connotation péjorative : à propos d’une ambiance ou d’un lieu, on ressent quelque chose de malsain ou d’inquiétant, de sombre et d’indéterminé. Et pourtant, il n’en n’a pas toujours été ainsi.

À l’origine, le mot glauque désigne la nuance d’un vert bleuté, pâle, doux, un peu grisé. Le mot est issu du grec γλαυκός [glaukos] et signifie « vert pâle ». En latin, glaucus désigne une couleur claire apparentée au vert grisé qui rappelle la couleur de l’eau de mer avant la tempête. Le mot évoque ce qui est à la fois clair et brillant, la mer, la lune ou des yeux bleu clair. Dans L’Iliade et l’Odyssée, Athena est qualifiée comme étant Théa Glaukopis Athéné, que l’on peut traduire par « Athéna, la déesse aux yeux glauques ».

Au XVIe siècle, la signification du mot évolue pour caractériser ce qui est sans éclat et terne.

Le vert glauque est abondamment décrit dans le nuancier de la Société des chrysanthémistes de 1905 qui consacre plus de 60 planches aux tonalités de vert : on y trouve le glauque pur, le glauque verdâtre, le glauque grisâtre, le glauque d’Abiès ou glauque d’œillet, déclinés chacun selon quatre niveaux de saturation. Chaque tonalité précise est mise en relation avec la couleur d’un végétal : le feuillage du poireau, la nuance des jeunes feuilles de genévrier ou la couleur de l’œillet des fleuristes, le revers de la feuille d’artichaut ou d’eucalyptus.

Dans la littérature, le terme « glauque » a une valeur descriptive qui n’a rien de péjoratif. Chateaubriand décrit comme glauques les yeux de son père ; Théophile Gautier évoque la robe glauque de Cléopâtre et Guillaume Apollinaire écrit : « La mer nous regardait de son œil tendre et glauque ».

Il semble que, dans les années 1970, le terme glauque ait été associé à la lumière artificielle, telle la lumière blafarde des vieux néons, et que cela ait ouvert la voie à la connotation négative que nous connaissons aujourd’hui. Le mot qualifie désormais quelque chose de sinistre, d’étrange, qui inspire un sentiment désagréable, un malaise, provoqué par une ambiance lugubre ou sordide. Et pourtant, gardons en mémoire que ce terme a aussi jadis été poétique et… tout en nuances !

Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuances et diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts  ici

Article du 30 janvier 2017


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Le vert et l’eau… de vie

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Île de Florès, Açores, juillet 2014

Nous avons évoqué, la semaine dernière, la façon dont le vert est intimement associé à l’eau, dans la pensée amérindienne. Mais cette eau passe par le rouge, sang sacrificiel des martyrs… Tout cela est très subtil et toujours difficile à préciser. Les symboliques relient chaque notion, chaque élément, avec leur contraire, dans une notion alchimique de transformation.

Nous avions déjà, à propos du bleu, raconté comment il n’y a rien d’évident à affirmer que l’eau est bleue comme le ciel ! Pour les Romains et les Grecs, aucune couleur ne qualifie précisément l’eau. Tout au plus, on évoque sa transparence ou son état mouvant. En appliquant nos codes actuels, il faudrait souvent décrire l’eau comme grise ou verte.

Dans l’univers symbolique d’aujourd’hui, on dit que le vert se situe entre le bleu, plutôt divin et lointain et le rouge des sentiments humains. Le vert est considéré comme une couleur moyenne, médiatrice, rafraîchissante, une couleur qui n’a rien d’extrême, ni le côté éthéré du bleu, ni la furie et la passion que véhicule parfois le rouge. Après le dénuement de l’hiver et le passage par l’absence de couleur – autrement dit par le noir et le blanc – succède le vert du printemps, du réveil, de la fécondité et de l’espoir, le vert de l’espérance des chrétiens qui est aussi celui de L’Islam. Le vert est fluide, tiède, nourricier, régénérant.

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Laffrey, novembre 2015

C’est précisément cette notion de régénération qui fait associer le vert au bleu et aux eaux qui s’écoulent, celle de la source comme celle du baptême qui redonne la vie. Ainsi revient la vie, au printemps, dans la timidité du bourgeon. C’est pourquoi Vishnu, porteur du monde, est figuré sous la forme d’une tortue au visage vert. Quant aux nymphes marines de la mythologie grecque, les néréides, elles sont représentées comme Neptune, chevauchant des chevaux verts, ou couvertes de bandelettes aux couleurs de la mer, ou encore les cheveux verts, fluides et libres, ondoyant entre les algues et les vagues.

Et puisque tout s’entremêle dans ces histoires de couleur et de symboles, mieux vaut en rire et en jouer ! Je ne peux pas m’empêcher, avec quelque malice, d’évoquer une eau de vie qui peut-être très verte… on l’appelle la Chartreuse !

Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuances et diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts  ici

Article du 23 janvier 2017


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Le « Refuge », Marie « kataphygi » et saint Jean

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Pogovano, icône à deux faces, 93 x 62 cm

Le modèle d’origine est une icône bulgare de 1395 : elle date de la période dite des « Paléologues », plein épanouissement de l’iconographie byzantine.

On me demande souvent selon quelle logique je choisis mes modèles. La plupart du temps, j’alterne une commande avec une icône retenue selon l’inspiration du moment. Je prends le temps de tourner les pages des livres, de regarder les modèles, avant de m’arrêter sur celui qui me « parle » vraiment. C’est seulement pendant la réalisation, ou après, que je comprends le sens de mon choix, à ce moment-là.

L’icône représente Marie et saint Jean, côte à côte, élancés, dans une posture de verticalité. Marie, toute jeune femme, est vêtue d’un maphorion bleu, le corps gracile, le visage incliné d’une tristesse pudique, tandis que saint Jean, âgé, « solide » semble être celui qui réconforte.

 

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15 x 25 cm, 2016

Les interprétations sont diverses. Certains auteurs font le parallèle avec l’icône de la Crucifixion dans laquelle de part et d’autre de la croix, Marie et saint Jean sont là, debout, malgré l’inacceptable, l’insensé de la douleur qu’ils viennent de partager. Le Christ vient de les confier l’un à l’autre. Ici, la croix est remplacée par le vide de l’absence. Saint Jean, d’un geste de la main, semble entraîner Marie, comme pour lui dire « allons, continuons la route » et déjà, son pied droit s’avance.

Pourtant, si cette interprétation est juste, on peut aussi situer la scène beaucoup plus tard, quand la Vierge trouve refuge auprès de saint Jean âgé (comme sur l’icône) à Éphèse. En réalité, les deux scènes se mélangent et l’icône n’a que faire de la chronologie. Seul compte le sens, le sens de toute une vie.

Le regard de Marie est tourné vers saint Jean. Lui, accompagne son geste d’un regard tourné vers nous, comme s’il nous la confiait… ou nous confiait à elle. D’un point de vue théologique, c’est Marie qui est appelée « refuge pour tous ceux qui sont dans la douleur ». Ce titre revient sans cesse dans les canons et hymnes. Chacun prend sa place dans la dynamique circulaire de l’icône. On ne sait plus très bien qui réconforte l’autre, qui est le refuge (on peut aussi traduire l’asile) pour l’autre, qui soutient l’autre.

Tout en peignant cette icône, j’ai pensé à beaucoup de choses ; des souvenirs et des sentiments se sont entremêlés. J’ai revu la maison de la Vierge à Éphèse, un été de mer, d’enfance et de lumières, et ces femmes musulmanes qui venaient confier à Marie quelques confidences, bien souvent lui murmurer leur désir d’enfant. J’ai pensé à quelques chagrins qu’il fallait encore une fois traverser et vivre debout, s’encourageant les uns les autres, se portant par le geste, le regard et la fraternité. J’ai surtout pensé à tous ceux qui « cherchent refuge » et combien consoler, protéger, accueillir, prendre soin de l’autre, c’est aussi prendre soin de soi et du monde.

Article du 19 janvier 2017


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Le vert des Amérindiens

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Perroquet photographié à la fondation M. Leclercq à Sao Domingos do Prata (Brésil) par Paul Lamour

Les civilisations précolombiennes, comme bien d’autres, associent le vert à la fertilité, à l’eau, au renouveau et au printemps.

Ainsi, chez les Aztèques, ces thèmes sont incarnés par l’oiseau Quetzal au splendide plumage vert. On l’appelle aussi « grande plume verte » et il a donné sons nom au dieu mexicain Quetzalcóatl, le « serpent à plume ».

La déesse Xochiquetzal est présentée, dans les manuscrits, avec un double panache de plumes vertes ornementant sa tête. Elle est liée à la renaissance et on raconte qu’elle disparaît dans le jardin de l’ouest, au pays des morts, pour revenir avec le printemps, menant la danse du retour des fleurs.

Le vert et le rouge sont associés dans la pensée aztèque. Des pierres précieuses vertes rehaussent la jupe de la déesse des eaux. Ce vêtement évoque symboliquement le sang des victimes sacrifiées au culte du soleil, afin que le jour reste victorieux des ténèbres… Le sang des victimes est qualifié d’« eau précieuse ». Nous reparlerons plus tard du lien symbolique très étroit qui relie le vert et le rouge. Il faut dire que le Quetzal peut être à la fois rouge et vert : il devient alors un symbole mythique, l’oiseau sacré de Mayas et l’image du Guatemala.

Les peintres de la civilisation de Teotihuacan, dans le Mexique des IVe au VIIe siècles, réalisent des peintures murales dans lesquelles ils utilisent la malachite écrasée. Les nuances sont obtenues par divers mélanges. Avec de l’ocre jaune mêlé au vert malachite, le résultat est un vert éteint, assez terne. Avec de la craie, la malachite donne des verts pâles, tandis que mélangée au lapis-lazuli ou à l’azurite, le vert semble vivre et vibrer de toutes ses nuances.

Pour les Indiens Hopi d’Amérique du Nord, la couleur est reliée aux points cardinaux. Le vert désigne le sud-est, d’où viennent les nuages porteurs de pluie, et un oiseau migrateur dont un des passages coïncide avec l’arrivée de la neige, et l’autre avec l’arrivée du printemps. Les chamanes recherchent des bâtons bleu-vert afin de rehausser l’éclat des bâtons de prière utilisés lors des cérémonies en faveur de la pousse de la végétation. Beaucoup d’entre eux sont teints avec la malachite provenant des monts San Carlos.

Ainsi domine une fois encore le lien étroit et évident entre la couleur verte, l’oiseau sacré et la fécondité.

Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuances et diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts  ici

Article du 16 janvier 2017


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La Tara verte (émission du 9 janvier)

OLYMPUS DIGITAL CAMERALa Tara verte, Dölma Doljan en tibétain, est l’une des vingt et une formes de Tara, le bodhisattva féminin de la compassion. Rappelons que, dans le bouddhisme, le bodhisattva est un être accompli spirituellement, mais qui reste dans le monde, afin d’aider chacun à s’éveiller. Une forme de Tara, appelée Cittamani Tara, ou joyau qui exauce tous les vœux, est aussi assimilée à une protectrice de la végétation.

Tara est représentée assise en tailleur sur un fauteuil, entourée de riches décorations, en particulier de fleurs de lotus. Elle est torse nu et sa peau est verte. On parle de la sublime Tara au teint d’émeraude… Les mains, se présentent dans de gracieuses postures qui semblent dansées et font penser à la bénédiction. On dit qu’elle porte un cristal entre les deux yeux. Son emblème est la couleur verte, symbole d’espoir, et le lotus bleu à demi-ouvert.

Une de ses deux jambes est légèrement déployée, comme si elle était prête à se lever, à bondir dans l’instant pour aider celui qui l’appelle au secours. La couleur verte est associée à l’élan vers la vie et indique que Tara agit pour ceux qui l’invoquent avec la rapidité du vent, également de couleur verte dans la symbolique bouddhiste.

Quant à son geste de mains, il évoque la compassion, l’éveil et la bienveillance, tout comme la couleur verte ; tel est son rôle premier. La Tara verte intervient toujours pacifiquement et agit contre les menaces extérieures, énumérées de façon différente selon les régions et les périls qui y menacent les habitants : il peut s’agir, par exemple, des éléphants, des lions, des serpents ou du feu. En même temps, elle protège contre les dangers intérieurs ou spirituels tels que l’orgueil, la jalousie, la colère ou l’avarice.

La Tara verte est réputée pour la puissance que lui confèrent ses pouvoirs miraculeux, sa capacité à surmonter les situations difficiles, apportant protection et réconfort.

Ainsi, la Tara verte est l’archétype de notre sagesse intérieure, celle qui guide et protège ceux qui naviguent dans les profondeurs de l’inconscient. Elle aide à rester centré, à transformer nos voyages intérieurs et nos déséquilibres, pour prendre une route paisible vers la liberté. Bref, la Tara verte du bouddhisme est la salvatrice qui accompagne le retournement intérieur et la transformation spirituelle.

Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuances et diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts  ici

Article du 9 janvier 2017