Elisabeth Lamour

Peintre d'icônes


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Sainte Véronique

sainte Véronique

Sainte Véronique, icône sur tilleul, 18 x 24 cm, 2020

Sainte Véronique est une figure un peu à part : elle n’est pas une sainte « historique », elle ne figure pas dans les martyrologes, elle n’est pas non plus un personnage de légende et rien n’est dit à son propos dans les Évangiles : Véronique serait plutôt un personnage « type » lié à toute une série de traditions qui s’enchevêtrent, ce qui lui confère une portée symbolique très forte.

Le nom de Véronique est associé à Bérénice (« Βερενίκη » Berenikê) et signifie « qui porte la victoire ». Il a été latinisé en « Véronique ». L’étymologie populaire a ensuite associé le nom de Véronique à « vraie » (vera) et « image » (icona), ce qui est en fait une expression hybride, un peu grecque et un peu latine !

Une des versions les plus anciennes de sa vie apparaît dans une interpolation en latin ajoutée tardivement au texte de l’Évangile apocryphe de Nicodème (vers le Ve siècle).

L’histoire de Véronique est d’abord liée à la sixième station du chemin de Croix. Le Christ s’affaisse sous le poids de sa Croix ; une femme brave la foule hostile, s’approche et lui essuie le visage avec le voile qui couvrait sa tête. L’image du Christ reste imprimée sur le tissu et prend le nom de « Sainte Face » ou « suaire de Véronique » ou encore image acheiropoïete (« non faite de main d’homme »).

On raconte que Véronique aurait plié le linge en trois et trois empreintes identiques du visage du Christ seraient apparues. Ainsi s’ouvre la voie à de multiples traditions que je ne vais pas détailler : ce n’est pas un sujet de consensus et je ne le connais pas assez bien pour avoir une opinion.

On trouve un de ces récits dans La Légende dorée de Jacques de Voragine (chapitre 52, La Passion de notre Seigneur).

Après cet épisode, il est possible que Véronique ait épousé Zachée, le petit publicain de Jéricho (Lc 19). Ils partirent ensemble pour Rome où l’empereur Tibère désirait voir le visage du Christ. Ils lui présentèrent le linge puis se rendirent en France. Ils partirent chacun de leur côté annoncer l’Évangile et c’est ainsi qu’on trouve les reliques de Zachée à Rocamadour et celles de Véronique à Soulac (Gironde).

On rapproche aussi Véronique de la femme anonyme qui, dans les Évangiles, souffre d’hémorragies, avant d’être guérie miraculeusement en touchant le vêtement du Christ ; ou bien de Marthe de Béthanie, dont le deuxième nom pourrait être Bérénice.

L’iconographie représente Véronique tenant un tissu sur lequel s’est imprimé le visage du Christ.

Elle est la patronne des lingères, des laveuses et des photographes. Il est vrai que la posture de cette icône pourrait faire penser au moment où le photographe, au temps de la photo argentique, sortait le papier du révélateur, le tenant avec précaution, et attendait, comme un petit miracle, qu’apparaisse le visage sur le papier. Je vous dois une confidence : cette icône a été commandée par un photographe, cette analogie a déclenché chez lui la certitude que sainte Véronique était bien « sa » sainte !

Fête le 4 février

Article du 18 mai 2020


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Saint Mamert, « transcender la peur en espoir »…

Mamert

Saint Mamert, icône sur bouleau, 13 x 16 cm, 11 mai 2020

Je vais vous raconter encore un de ces clins d’œil étonnants que nous font les icônes, ou plus largement l’Invisible, pourvu qu’on y prête attention.

Mon amie Marie-Noëlle, iconographe et mosaïste, est en ce moment portée par un splendide projet : celui de réaliser une grande icône de la « Protection de la Mère de Dieu » pour son atelier. 

Pour donner plus de force à cette réalisation, elle a eu l’idée d’entourer cette grande icône de saints, locaux pour la plupart (mais pas forcément), et de demander à chaque élève ou iconographe ayant un lien ou un autre avec son atelier, de réaliser une de ces petites icônes.

J’ai proposé à mes élèves de participer à ce projet et sept d’entre eux ont répondu à l’appel. Moi aussi, j’ai accepté, au nom de notre amitié et toute l’histoire qui nous lie. Une petite cérémonie (avec une sorte de tirage au sort) a été organisée, au cours de laquelle nous aimons à dire… qu’un saint nous a choisi. C’était au tout début du confinement, et Marie-Noëlle m’annonçait que « saint Mamert » venait à moi ! 

Je ne connaissais pas ce personnage et, comme d’habitude, ai commencé par chercher des renseignements sur cet évêque de Vienne, de la fin du Ve siècle. On n’a pas beaucoup de détails sur sa vie : il serait né à Lyon, devenu prêtre puis évêque de Vienne, laissant le souvenir d’un bon pasteur, soucieux des besoins de ses ouailles, même les plus élémentaires.

Toute sa vie dans l’Église s’est déroulée durant les invasions des barbares et il a vécu, dans notre région, toute une série de catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations et sécheresses, etc.). Bref, les calamités s’accumulaient, en même temps les difficultés et les souffrances de ses contemporains. C’est ainsi que saint Mamert institua la prière des « Rogations » (du latin rogare : prier, demander). Il imagina de conduire, trois jours de suite, à date déterminée, des processions dans les champs pour demander au Ciel la cessation des calamités. Il mit alors en place un rituel assez précis, incluant une période de jeûne.

Il serait mort vers 477. 

Noter qu’il existe en Bretagne un saint Mémor qui semble être le même avec des chapelles dédiées.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que saint Mamert, avec saint Pancrasse et saint Servais, est le premier des trois « Saints de glace »… et qu’il est fêté le 11 mai, jour annoncé du « déconfinement » ! 

Ainsi donc, à cette date symbolique choisie depuis longtemps, s’associe un saint, qu’on invoque… pour éloigner les catastrophes ! Après cette découverte, je n’ai pas résisté et n’ai pas attendu plus longtemps pour peindre une première icône de saint Mamert.

Les amis, invoquons donc saint Mamert, c’est vraiment le moment ! Voilà encore une fois un personnage presque oublié qui revient partager nos espoirs et nos craintes.

Finalement, ce serait une sorte de « rogation » d’aujourd’hui, de nous associer à saint Mamert, pour convaincre nos contemporains que « le temps est venu (1) (…) ensemble, de poser les  pierres d’un nouveau monde, de transcender la peur en espoir, d’applaudir la vie, d’honorer la beauté du monde, de se rappeler que la vie ne tient qu’à un fil, de nous réconcilier avec la nature, d’apprendre à vivre plus simplement (…) et de nous réapproprier le bonheur. »

(1) extrait des 100 propositions de Nicolas Hulot « Le temps est venu »

Article du 11 mai 2020, début du « déconfinement »