Continuons avec les icônes russes à travers l’exposition de 1997 au Musée russe de Saint-Pétersbourg.
Après avoir évoqué la symbolique liée au feu et à la lumière, à l’exagération de la dramaturgie avec l’utilisation des couleurs rouges et surtout des fonds de l’École de Novgorod, attardons-nous sur l’utilisation du rouge dans les vêtements des personnages représentés. Les capes, les tuniques, les drapés, les manteaux gonflés d’Esprit Saint semblent virevolter dans toutes les nuances de rouge.
Souvenons-nous que la hiérarchie initiale des pigments était liée à la difficulté à les obtenir à partir de la nature : des oxydes de métal, des plantes, des mollusques et différentes terres. Dans les temps anciens, c’était un processus qui demandait du temps et revenait cher. Les pays les plus riches furent les premiers à utiliser une large gamme de teintures et de couleurs. Ils apprirent peu à peu comment les intensifier, les concentrer pour en augmenter l’impact. Le rouge, couleur pure et attirante, devint un des éléments important des festivités et attributs du pouvoir. Il devient plus qu’une couleur de vêtement car il affirmait l’appartenance à la classe supérieure. La diversité résidait dans la façon de le présenter et de l’associer, de jouer sur la chaleur du ton, ou la combinaison avec d’autres couleurs.
Dans les icônes, les martyrs aux noms étranges – Eustratius, Artemius, Parascève ou Anestesia – portent des vêtements ecclésiastiques rouges exprimant leur foi et leur amour brûlant pour Dieu. Le rouge est aussi la couleur des manteaux capes de saint Georges et saint Démétrios de Thessalonique.
Le rouge est également la couleur du voile qui relie les bâtiments dans diverses scènes comme la Présentation au temple, l’Annonciation : il exprime alors le lien, la continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament et évoque le voile du Temple… Ce grand rideau à dominante rouge, qui sépare deux espaces, deux mondes – autant qu’il relie et annonce – deviendra celui des scènes de théâtre.
Le rouge est la couleur d’une sorte de coussin qui témoigne de la royauté de Marie, et sur lequel elle repose après la Nativité. Il évoque alors la pourpre impériale et s’inspire de la tradition byzantine.
Cet article a été le support d’une émission hebdomadaire intitulée Tout en nuanceset diffusée de septembre 2011 à juin 2017 sur RCF Isère : six années à effeuiller les subtilités des couleurs, leur histoire mouvante et leur symbolique sans oublier quelques incursions dans les choix des peintres et les mots des écrivains. On peut retrouver certains podcasts ici
Article du 18 mai 2015
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