Tout comme les portraits et autoportraits de Chagall, ses paysages, ses natures mortes et ses vues d’intérieur sont largement dominés par le bleu avec une connotation tantôt paisible et tantôt tourmentée.

Chagall, Vitebsk
Je pense à plusieurs tableaux, mais l’énumération pourrait être sans fin tellement ils sont nombreux et riches de tant de bleus ! La Vue de la fenêtre à Vitebsk, sa ville natale, date de 1908 et évoque ses débuts. Presque tout baigne dans une lumière bleue, sauf peut-être l’arc-en-ciel dans un coin du tableau. Chagall explique ce choix par la lumière qu’il perçoit : « Ma chambre s’éclairait du bleu foncé, tombant de la fenêtre unique. La lumière venait de loin : de la colline, où se trouvait l’église. J’éprouve toujours du plaisir à peindre une fois de plus cette église et cette petite colline sur mes tableaux. »
Dans La Maison bleue, une huile datant de 1917 à 1920, une sorte d’isba bleue en rondins surgit, en mauvais état, toute de guingois, mais néanmoins accueillante avec ses fenêtres grandes ouvertes. De l’autre côté de la rivière, la Dvina, apparaît la ville de Vitebsk : des maisons de pierre entourées d’une palissade, un monastère aux multiples coupoles… La ville reflète aussi des touches de bleu, surtout sur les toits où le bleu côtoie alors d’autres couleurs. Un historien d’art de l’époque, Wermer Haftman, écrit à propos de ce tableau : « La cabane apparaît rayonnant du bleu fondamental à partir duquel s’orchestre ensuite la mélodie des couleurs. Elle amène l’image de l’apparition à briller et l’insère comme dans un cristal coloré. »

Chagall, intérieur
Il peint également des intérieurs, ou plutôt des paysages extérieurs vus de l’intérieur : Bella, son épouse, à table, Intérieur aux fleurs (1917), Fenêtre avec vue sur le jardin (1917). Toutes ces œuvres sont bleues, dans des nuances différentes, avec seulement quelques touches d’autres couleurs, comme les détails de robes rouges des personnages que l’on entrevoit.
Et toujours au loin, malgré le bleu, gronde la Grande Guerre…
Cet article est tiré d’une émission diffusée le 25 novembre 2013 sur RCF Isère dans le cadre de la série « Tout en nuances » qui a duré pendant six années. Elle est présentée ici. L’article a été mis à jour le 7 novembre 2020 et figure dans le livre Bleu, intensément, chapitre 91.
Sur Chagall, on peut lire aussi « Je suis bleu », Les Amants bleus et Visage bleu.
Article du 25 novembre 2013